Dans le cadre de notre exposition, Matières Solidaires, Innovations responsables et engagées, l'équipe a rencontré Flore-Anne de Clermont, co-directrice chez Atelier Emmaüs, ainsi que Muriel Charbonnel, cheffe de Gamme SoCoo’c et Valérie Bion, responsable Pôle Innovation Design, du groupe Fournier pour échanger sur leur collaboration autour d'une gamme de mobilier en petite série.

Comment s’est faite la rencontre entre vos deux structures ? Sur quel projet avez-vous travaillé ensemble ?

La rencontre a été facilitée par Philippe Jarniat, ancien membre de l’Ameublement Français. Le groupe Fournier souhaitait valoriser ses chutes de production, tandis qu’Atelier Emmaüs cherchait à développer ses compétences en design et à se lancer dans de petites séries. De cette convergence est née en 2024 une collaboration visant à créer une gamme de mobilier éco-conçue, en réutilisant les matériaux du groupe Fournier et en mettant en avant la réinsertion professionnelle. Le projet a été accompagné par l’Ameublement Français et se poursuit aujourd’hui de manière autonome.

Quels ont été, selon vous, les principaux bénéfices de cette collaboration ?

Cette collaboration a permis à l’Atelier Emmaüs de monter en compétences, d’intégrer de nouvelles techniques de fabrication et d’expérimenter un nouveau modèle économique.

Pour le groupe Fournier, c’est l’opportunité de sortir du cadre habituel, de fédérer autour d’un projet social et environnemental et de donner davantage de sens au travail, de l’atelier à la direction.

L’objectif étant de trouver un produit qui soit à la fois juste, créatif et esthétique tout en ayant un bon rapport qualité/prix. Les entreprises en ressortent enrichies, toutes deux ayant chacune apporté à l’autre sur les plans industriel et social.

Avez-vous rencontré des freins ou des défis particuliers dans le cadre de ce projet ?

Le projet a soulevé plusieurs défis. Pour l’Atelier Emmaüs, entreprise artisanale, la difficulté principale résidait dans la fabrication en série, nécessitant une optimisation des processus tout en maîtrisant les coûts. Pour le groupe Fournier, le défi était d’impliquer les équipes et de transformer une idée en un projet concret intégrant distribution et communication. Enfin, le financement a constitué un frein majeur, les critères des dispositifs d’aide ne correspondant pas toujours au projet.

Groupe Fournier, pourquoi avoir choisi de collaborer avec une structure comme l’Atelier Emmaüs ? Était-ce la première fois que vous collaboriez avec une entreprise de l’ESS ?

Le groupe Fournier collabore régulièrement avec des ESS. Après une 1ère expérience réussie avec Habitat et Humanisme, ce sera la deuxième collaboration avec une structure de l'ESS pour leur enseigne SoCoo'c. Cette démarche s’inscrit dans la volonté de valoriser les dimensions humaines, sociales et solidaires de l’entreprise. Avec l’Atelier Emmaüs, la collaboration poursuit ce chemin en développant une gamme de mobilier guidée par SoCoo'c. Dans ce projet, la dimension humaine est importante mais l’offre doit aussi correspondre au marché de l’enseigne.

Cette collaboration vous a-t-elle permis de voir différemment certains aspects de votre métier ou de votre secteur ?

Cette collaboration a conduit le groupe Fournier à travailler différemment, en expérimentant un nouveau business model et une autre manière de mobiliser ses équipes. L’entreprise a choisi de lier l'accessibilité prix, la fabrication artisanale et la réinsertion professionnelle.

Les produits sont distribués uniquement via l’Atelier Emmaüs, SoCoo'c se concentrant sur la création de contenu et la mise en valeur de l’offre. Le défi reste de générer visibilité et attractivité hors des circuits habituels.

Où en est le projet ? Quelles en sont les perspectives ? Envisagez-vous de renouveler ce type de collaboration ? Et la recommanderiez-vous à d’autres industriels ?

Après une première phase de prototypage, une nouvelle version est attendue fin 2025 et en attendant l'obtention d'un financement pour la mise en place d'outils nécessaire à la production en série côté Atelier Emmaüs, SoCoo'c prépare le lancement de cette gamme avec tout le dispositif de communication qui permettra la diffusion de cette offre courant 2026, auprès de son réseau et des consommateurs à la recherche de mobiliers écoconçus.

L’entreprise recommande ce type de partenariat, à condition que les valeurs sociales et solidaires soient partagées.

Quelle place occupe l’impact social dans votre entreprise ? Avez-vous une politique RSE, des partenariats réguliers, un service dédié… ?

Sous l’impulsion de son PDG, le groupe Fournier a structuré sa démarche RSE avec la création d’un Fonds de dotation, Eugène & Marie Fournier, dédié à la préservation de la biodiversité et des bois et forêts. L’entreprise mène de nombreux partenariats avec des structures de l’ESS et développe ses actions en toute autonomie. La direction Qualité Sécurité Environnement joue un rôle central, en lien direct avec les enjeux humains et sociétaux.

Atelier Emmaüs, selon vous, qu’est-ce qui motive les entreprises à travailler avec vous ?

Les entreprises collaborent avec l’Atelier Emmaüs pour son impact social (insertion et formation de personnes éloignées de l’emploi), son engagement dans l’économie circulaire (réemploi et artisanat) et sa dimension créative (objets uniques, porteurs de sens).

La notoriété d’Atelier Emmaüs et la proximité locale renforcent encore l’attractivité de ces partenariats.

En tant qu’entreprise de l’ESS, quels sont selon vous les avantages et les limites de votre statut ?

Le statut d’entreprise de l’ESS offre de réels atouts : critères sociaux recherchés par les industriels, accès à certaines aides financières, agilité et expertise dans le réemploi.

En revanche, l’accompagnement de personnes en insertion implique une formation continue avec une possibilité d’erreurs, une productivité moindre et des moyens matériels limités. À cela s’ajoute parfois une image réductrice de l’ESS, encore perçue comme peu professionnelle.

Quelles seraient, selon vous, les conditions à réunir pour favoriser davantage ce type de collaboration ?

Pour favoriser ce type de collaboration, Atelier Emmaüs insiste sur l’importance de s’appuyer sur des structures comme l’Ameublement Français afin de donner une organisation au projet. La mise à disposition d’un budget pour expérimenter les prototypes facilite également le lancement. L’accompagnement par des fédérations ou organismes spécialisés, comme le FCBA, apporte un suivi et des conseils adaptés. Les rencontres, speed-dating et visites sur site sont également essentielles pour créer des liens et élargir le réseau professionnel.

Comment voyez-vous l’avenir de l’ESS dans les chaînes de valeur industrielle ? Vous sentez-vous mieux reconnus ? Quelles sont les prochaines étapes pour vous ?

Atelier Emmaüs constate une reconnaissance croissante de l’ESS et un intérêt grandissant pour le réemploi et l’up-cycling, renforçant les liens entre entreprises. L’objectif est de multiplier les partenariats pour expérimenter et innover. L’ESS n’est pas concurrente de l’industrie, mais joue un rôle complémentaire dans la chaîne de valeur, apportant savoir-faire et techniques spécifiques pour des projets que l’échelle industrielle ne pourrait réaliser seule.

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